Interview : Liliane KOECHER, professeur de FLE et responsable du multimédia à l’IIEF

Interview de Liliane KOECHER, professeur de FLE et responsable du multimédia à l’IIEF (l’Institut International d’Études Françaises) de Strasbourg

Interview et dossier pédagogique réalisés par Samir BOUMAHRES,  Marie Anylia Vanessa DUPRE , Sonia FRANÇOIS et Alesker TALIBOV

 

1. Liliane, en quoi consiste exactement le multimédia ?
Oui, le multimédia c’est un bien grand mot, donc avoir à disposition des cd-roms, des vidéos, des DVD, des livres. C’est le fait d’avoir des ordinateurs à disposition de chaque étudiant, de pouvoir avoir des images, des photos, des films, Internet, travailler avec toutes les sources possibles et imaginables, ça c’est vraiment le labo multimédia et le multimédia.

2. A quel type de public enseignez-vous ?
C’est tout à fait hétérogène puisque les niveaux, ce sont les niveaux d’un étudiant qui est complètement débutant à celui qui est bilingue, on peut dire bilingue, et qui va essayer de perfectionner certains points de langue très précis.

3. Quel est le statut du multimédia ? Est-ce que c’est une discipline en soi ou un outil ?
Pour moi, c’est vraiment un support et rien d’autre. Alors évidemment on peut aussi faire une évaluation, on peut faire des examens dans un laboratoire multimédia, faire de la compréhension orale à partir d’un site, faire des exercices de grammaire aussi, vérifier, bien sûr tout ça c’est possible, mais c’est toujours le support, ça ne remplacera jamais un cours à proprement dit et surtout pas un prof.

4. En quoi l’enseignement à travers le multimédia se distingue justement de l’enseignement FLE traditionnel ?
Le rôle du prof est différent, alors il est peut-être différent, certes, mais il garde exactement la même valeur. Et je dirais même plus, faire un cours dans un laboratoire multimédia c’est plus difficile parce que vous avez le groupe à gérer, puis chaque étudiant qui va vous poser une question, et puis aussi la préparation du cours parce que si vous faites un cours vous allez voir sur Internet, trouver un site, aller chercher des questions, le problème c’est que souvent les sites disparaissent, il faut tout le temps aller voir, voir si le site est encore disponible, si on y a accès, donc il y a plein de côtés qui sont difficiles à gérer. Donc comment peut-on imaginer que le prof disparaisse du laboratoire multimédia? C’est impossible parce que c’est lui qui va donner les sites, c’est lui qui va corriger, c’est lui qui va conseiller l’étudiant, qui va expliquer, il a exactement le même rôle que dans un cours traditionnel, seulement il n’y a pas de livre, il n’y a pas de cahier d’exercices et encore il peut aussi y avoir ça en plus en même temps, mais il y a simplement un écran d’ordinateur.

5. Justement quel est l’intérêt du multimédia par rapport à un cours traditionnel de FLE ?
Je dirais que c’est beaucoup plus facile de gérer les difficultés de chaque étudiant dans un labo multimédia que lorsque vous l’avez en cours en groupe, parce qu’en groupe vous allez faire votre cours, chacun va peut être poser des questions mais vous n’aurez jamais le temps d’aller voir chaque étudiant, de lui poser des questions, de dire « est-ce que ça va ? comment ça se passe, attention là, il y a des erreurs ». Donc je dirais que le côté de l’individu est beaucoup plus respecté dans un laboratoire multimédia ou aussi en sachant que le casque, le micro sont individuels, il peut poser directement une question au professeur, sans que les autres écoutent.

6. Quels sont les atouts justement du multimédia, je pense notamment à l’aspect ludique ?
Oui, bien sûr l’aspect ludique est très important, et puis lorsque l’on voit des étudiants qui prennent plus de plaisir à écrire sur un écran, qui sont plus motivés, ça c’est certain c’est un aspect ludique, qu’on ne peut pas négliger, d’autant plus que dans un laboratoire multimédia, vous pouvez prendre un écran d’un étudiant et le faire voir par tous les autres.

7. Quels sont les inconvénients et les limites de cet outil ?
Les inconvénients et les limites… D’abord il faut que les étudiants sachent utiliser un ordinateur. Au départ, je vois des étudiants qui n’arrivent pas à taper quelques phrases, qui ne savent pas du tout comment allumer un ordinateur, donc ils apprennent en même temps tout ça. Je veux dire, aujourd’hui, ce n’est plus possible de ne pas savoir utiliser un ordinateur. Et puis les limites, bien sûr il y a les limites techniques. S’il y a un problème technique, il est évident qu’il va falloir dire « Bon, ben là Internet ne fonctionne pas, n’est pas accessible, ou la compréhension orale que j’avais prévue on ne peut pas la faire aujourd’hui ». Mais bon, ça c’est la même chose dans un laboratoire traditionnel ou avec une télé ou avec un magnétoscope. Et puis bien sûr, au point de vue du financement, il faut penser à la gestion, il faut penser à l’investissement régulier, les ordinateurs qui vieillissent très vite.

8. Quelles sont les compétences que le multimédia permet de développer et d’évaluer chez l’étudiant de  FLE ?
Il y a toutes les compétences sauf l’expression orale. On pourrait penser à enregistrer, par exemple, l’expression orale, ça ce serait possible, de faire des binômes. Par exemple, au point de vue du doublage d’un film, de faire un doublage d’un film, ou d’enlever le son d’un extrait d’un film et lui dire « voilà, allez-y, maintenant c’est à vous, qu’est ce qu’ils sont en train de dire ? ». Donc il y a ce côté créatif et ce côté de l’expression orale aussi.

9. Malgré le soutien et le contrôle constant du professeur, les étudiants travaillent-ils réellement en autonomie ?
Il faut une certaine autonomie, moi je trouve que c’est bien parce que l’étudiant peut peut-être poser des questions, peut faire un certain nombre d’exercices qu’il n’aurait pas l’occasion de faire dans un cours traditionnel, non je crois que c’est bien. Le prof doit être là pour l’aider, pour lui expliquer certaines phrases, certains exercices, je veux dire on ne peut pas « lâcher » quelqu’un comme ça entre guillemets, non ça n’a aucun intérêt. L’intérêt c’est justement que l’étudiant fasse des exercices, l’intérêt c’est justement de corriger directement ; s’ils font par exemple un compte-rendu de ce qu’ils viennent de lire ou de voir ou d’écouter, c’est intéressant de le dire tout de suite et d’ailleurs ils le demandent, ils disent « ah oui, ça c’est très bien! », parce qu’il y a toujours un laps de temps entre l’écrit qu’ils viennent de faire et la correction.

10. La disposition du laboratoire joue t-elle un rôle important ?
Comme au poste « prof », vous avez donc un casque, vous voyez l’écran de l’étudiant, vous n’avez pas besoin de vous déplacer parce que vous allez effectivement voir ce qu’il est en train d’écrire, ce qu’il est en train d’écouter, vous pouvez discuter avec lui, donc vous pouvez rester à votre poste, et je pense que ça, c’est une chose très intéressante parce que vous êtes là au poste, vous pouvez corriger directement et donc vous n’avez pas besoin de vous déplacer.

11. Est-ce que vous, vous déployez des efforts spécifiques ou des stratégies justement pour vous faire comprendre auprès de votre public étranger ?
Il faut faire des efforts point de vue de l’élocution, point de vue du débit, de la gestuelle bien sûr, vous allez faire beaucoup plus de gestes avec un groupe débutant qu’avec un groupe avancé: non ce sera plus du tout la même chose; non, il y a tout un aspect d’apprentissage qu’on ne trouve pas dans la langue.

12. Est-ce que les étudiants par exemple sollicitent souvent votre aide?
Oui, ils vont peut-être demander : « Est-ce que vous connaissez un site qui traite tel point de grammaire ou qui explique telle chose? » parce qu’ils ne l’auront pas trouvé dans les livres ou parce qu’ils veulent faire des exercices ou des tests. Justement, le côté test aussi est très intéressant, car souvent il y a des tests sur Internet et ils voient le résultat à la fin et il faut qu’ils recommencent, donc, ce côté-là oui, de s’auto-évaluer, je crois que c’est une chose très importante.

13. Est-ce que avec le multimédia, on ne risque pas de rompre un petit peu avec cette idée justement de communication ?
Alors il y a différents aspects, si vous parlez de l’idée de communication : il y a le fait de parler entre étudiants, donc lorsqu’ils sont devant les ordinateurs je crois qu’ils parlent plus souvent entre eux, puisqu’ils vont dire « Tiens, j’ai vu ça… Qu’est ce que tu as compris? Où est ce que tu en es ? », donc il y a ce côté-là de communication en français. Il y a la communication qui peut se faire aussi avec les casques, donc par exemple former des paires et d’avoir des discussions par paires, donc ça c’est aussi point de vue de la communication. Sinon, l’aspect communicatif point de vue des documents, je veux dire QUE ça ne peut pas être peut-être plus communicatif dans le sens où on a des documents actuels ou de l’actualité, donc ça dépend de quel aspect on parle.

14. Liliane, pour conclure, présentez-nous brièvement un cours typique en laboratoire multimédia.
Moi je dirais qu’il y a d’abord une première chose, c’est de travailler par exemple un cours de civilisation, de leur donner des sites précis, d’essayer de prendre des notes, d’essayer de comprendre… « Compréhension écrite de documents » en leur ayant donné des sites précis ou alors en leur disant « Voilà, vous avez, j’sais pas, l’Alsace : essayez de savoir des choses du point de vue économique ou politique ou culturel ». Il y a le côté approfondissement d’un point de grammaire: leur faire faire des tests très précis, là aussi leur indiquer des sites. La compréhension orale, c’est la même chose, donc soit par des compréhensions qui ont déjà été numérisées ou alors des compréhensions orales sur Internet, donc faire de la compréhension orale à partir de ça, leur donner des questionnaires, faire un commentaire d’une carte de l’Europe et il va falloir qu’ils placent les différentes villes. Les activités sont vraiment nombreuses, donc donner un cours type, non, c’est comme donner un cours type traditionnel. Là, moi je parle d’activités : les différentes activités qui sont possibles parce que c’est plus simple, après, comme je l’ai dit avant, C’est un support, du point de vue de l’apprentissage que c’est une très bonne chose si elle est bien gérée.

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